lundi 28 juillet 2014

FC Porto, Roi du “transfer-business”

Depuis maintenant une bonne dizaine d’années, le FC Porto est devenu le fournisseur officiel de pépites pour les grandes écuries européennes. Le président Jorge Nuno Pinto da Costa a réussi, avec l’aide de plusieurs hommes forts du club, à créer une véritable marque de fabrique en vendant au prix fort des joueurs dénichés un peu partout dans le monde mais bien souvent en Amérique du Sud. Les bénéfices quasi systématiques générés par ces transferts sont impressionnants, tout autant que la stratégie de recrutement qui se perfectionne chaque année. Zoom sur un club pas comme les autres.

Le FC Porto n’avait pas le choix. S’il voulait exister sur la scène nationale et européenne alors que le football entrait dans une spirale économique très forte avant le début du second millénaire, le club ne pouvait pas compter sur les ressources illimitées d’un président qatari ou sur les droits TV portugais presque quatre fois moins élevés qu’en France (sur la totalité des gains à se répartir). A titre de comparaison, en France les trois clubs les plus regardés de L1 empochent chacun plus de 40M€ tandis que Porto ne touche que la moitié de ce montant, donc 20M€. En effet, les droits TV au Portugal ne sont pas répartis par la Ligue, les clubs doivent se démerder pour négocier directement avec les diffuseurs.
Alors, il fallait se créer une source de revenus supplémentaires. Les “Tripeiros” (“mangeurs de tripes” désignant les habitants de Porto) via l’impulsion de sont président ont décidé d’investir dans le “commerce footballistique” en se spécialisant dans la logistique. En effet, depuis plusieurs saisons, le FCP est une véritable plate-forme logistique d’import-export de talents.

Le club portugais va progressivement se donner les moyens pour atteindre ses objectifs en travaillant sur deux grands principes.
Le premier et on en parle jamais assez, le président des dragões veut les meilleurs techniciens du pays dans son club, les adjoints les plus côtés et les préparateurs physiques les plus réputés. Pourquoi? C’est évident. Si son club déniche de gros potentiels dans les bas fonds de l’Amérique latine, il faut absolument les faire progresser, les faire exploser au grand jour et au regard de tous. La finalité de l’exercice étant de faire languir les voisins du continent pour ensuite tirer le maximum de zéros possible sur le chèque du transfert. Pas fou le père Pinto. Dans la dernière décennie, on ressort facilement deux grands noms : Mourinho et Villas-Boas (vendu 15M€ à Chelsea!) pour ne citer qu’eux. "The special One" et "Two". A quand la trilogie?
N’oublions pas que les dirigeants portugais sont aussi d’excellents négociateurs et s’appuient sur l’image de marque qu’ils ont su créer. Certains clubs ont peut-être eu l’impression de se faire entuber après avoir constater que la pépite qu’ils croyaient avoir arraché n’avait pas tout cassé dans leur championnat respectif. Anderson à MU par exemple, acheté près de 31M€, Van Gaal ne souhaite même pas le conserver dans l'effectif mancunien actuel.



Second point du projet de Pinto : la cellule de recrutement. Et là, on rentre dans le secret défense, encore mieux gardé que les secrets de la NASA. Aucun détail n’est laissé au hasard, très peu de fuites sont répertoriées et les dragons du Douro ont très vite compris que la recette du succès devait restée hautement confidentielle pour ne pas être dupliquée.
D’après le peu d’informations filtrées par le club, cette cellule de recrutement se décompose en deux unités : la recherche vidéo alliée à un système informatique de données très impressionnant et une armée d’observateurs dotés d’une vision très aiguisées lorsqu’il s’agit de renifler les gros coups.
Lors d’un reportage diffusé sur Canal +, quelques détails ont été divulgués concernant l’unité de visionnage vidéo. Il se dit que le club a investi dans une gigantesque salle vidéo équipée de plusieurs centaines d’écrans sur lesquels des experts du club visionnent tous les championnats du monde. Pour certains pays, ils observent uniquement les premières divisions mais pour d’autres les recherches vidéos s’étendent aussi dans les divisions inférieures. Des millions de matchs observés, des milliards de joueurs répertoriés. Couplé à cette centrale vidéo mondiale, Porto organise le référencement des joueurs dans un système informatique de données ultra complet dans lequel on y retrouve toutes les notes des recruteurs et des observateurs vidéo, allant des statistiques classiques concernant le temps de jeu, les buts marqués, les passes décisives mais aussi les habitudes diverses du joueur, par exemple la couleur du slip porté pendant les matchs (critère de superstition peut-être important aux yeux des Portistas, qui sait...). 
Une fois qu’un élément saute aux yeux (parfois explosés) des scouts vidéo, le terrain prend le relais et observe véritablement le joueur dans les stades. Les recruteurs scrutent les moindres détails afin d’épaissir au maximum la fiche référentielle de la cible. Des rapports et des montages vidéos sont ensuite proposés aux techniciens du club qui déclenchent, ou pas, le feu vert pour négocier la venue de la pépite dénichée.
Une cellule de recrutement bien huilée et très i-Tech, qui compte une armée d’employés au service du club dans le plus grand des secrets professionnels.
Evidemment l’investissement dans un tel système a un coût. Mais l’objectif principal du président portista est de minimiser à l’extrême les risques d’erreur sur la personne et d’être les premiers à dénicher la perle rare afin de se positionner dans un rapport de force lors des discussions concernant le montant de l’acquisition.

Pinto, le cerveau du FC Porto.


Des résultats extrêmement bénéfiques.
Est-ce qu’on gagne des titres avec cette méthode? Apparemment oui. Depuis les années 2000, le FC Porto domine largement son territoire avec 9 titres de champion de Liga Sagres, 7 coupes du Portugal et une coupe de la ligue en 2009, lors du triplé.
Au niveau européen, la récolte est plutôt bonne pour un pays n’étant pas considéré comme un championnat majeur voir même inférieur à celui de la Ligue 1. En effet les Dragões compte une ligue des champions en 2004 toujours depuis 2000 (sans compter celle de 1987) et 2 Ligues Europa en 2003 et 2011.
Cerise sur le gâteau, une coupe du monde des clubs remportée en 2004 pour boucler ce palmarès déjà bien garni.
En presque quinze ans, le club totalise donc 21 titres toutes compétitions confondues. Pas mal pour un club dont le modèle économique tient en grande partie à la plus value réalisée sur ses transferts?
Les résultats se mesurent aussi sur les bénéfices de ces fameux transferts enregistrés depuis le début du millénaire. Une liste des plus belles ventes de la stratégie portista, sur lesquelles plusieurs clubs de Ligue 1 pourraient se branler :
  • Deco, acheté 9M€ à Benfica en 1999 et vendu 21M€ au Barca en 2004.
  • Ricardo Carvalho, formé à Porto et vendu à Chelsea pour 30M€ en 2004.
  • Paulo Ferreira, acheté 2M€ à Setubal en 2002 et vendu à Chelsea pour 20M€ en 2004.
  • Maniche, acheté 0€ à Benfica (fin de contrat) en 2002 et vendu 17M€ au Dinamo Moscou en 2005.
  • Anderson, achété 5M€ à Gremio en 2005 et revendu 31M€ à Manchester United en 2007.
  • Pepe, acheté 2M€ à Maritimo en 2004 et vendu 30M€ au Real Madrid en 2007.
  • Ricardo Quaresma, acheté 7M€ au Barça en 2004 et revendu à l’Inter de Milan pour 25M€ en 2008.
  • José Bosingwa, acheté 1M€ à Boavista en 2003 et revendu 21M€ à Chelsea en 2008.
  • Lisandro Lopez, acheté 2,5M€ au Racing Club en 2005 et vendu 24M€ à Lyon en 2009.
  • Aly Cissokho, acheté 0.3M€ à Setubal en 2009 et vendu 15M€ à Lyon en 2009.
  • Lucho Gonzalez, acheté 11M€ à River Plate en 2005 et vendu 19M€ à l’OM en 2009.
  • Bruno Alves, formé au club et vendu 22M€ au Zeniht Saint Petersbourg en 2010.
  • Falcao, acheté 5,45 M€ à River Plate en 2009 et vendu 47M€ à l’Atletico Madrid en 2011.
  • Hulk, acheté 19M€ à Tokyo en 2008 et vendu 55M€ au Zeniht Saint Petersbourg en 2012.
  • Freddy Guarin, acheté 1M€ à Saint Etienne en 2008 et vendu 13.5M€ à l’Inter de Milan en 2012.
  • James Rodriguez, acheté 7,5 M€  au CA Banfield en 2010 et vendu 45M€ à Monaco 2013.
  • João Moutinho, acheté 11M€ au Sporting en 2010 et vendu 25M€ à Monaco en 2013.
  • Juan Iturbe, acheté 4M€ à Quilmes en 2011 et vendu 15M€ au Hellas Vérone en 2014.
  • Fernando, acheté 0,7M€ à Vila Nova en 2007 et vendu à Manchester City pour 15M€ en 2014.
Total des plus-values : Plus de 400 millions d’euros. 
Qui dit mieux? C’est simple, personne.


Et ce n’est pas fini…
Dans les prochaines semaines, sauf gros retournement de situation, l’international français  Eliaquim Mangala s’engagera avec City pour la coquette somme de 40M€ tandis qu’il est arrivé du Standard de Liège en échange de 6.5M€. 
Si ce n’est peut-être pas pour cette saison, le colombien Jackson Martinez déniché dans un club mexicain (Jaguares) pour 9M€, ce dernier ne devrait pas être cédé en dessous des 30M€. 
Le FC Porto compte aussi dans ses rangs des pépites en attente d’éclosion, sur lesquelles il espère ramasser une nouvelle fois le pactole :
Fernando Quintero. Colombien, gaucher, milieu offensif et mitrailleur de coup francs? James Rodriguez? Mauvaise réponse, il s’agit plutôt de son successeur. Quintero sort d’une saison pleine où il a joué une trentaine de matchs pour 4 buts et 4 passes décisives en championnat. Les dirigeants portugais n’ont pas hésité à claquer 10M€ pour l’arracher à Pescara l’année dernière. Un talent en pleine progression, qui sera vendu au moment opportun pour décrocher le jackpot.
Diego Reyes. Le Varane méxicain ne s’impose pas encore dans le onze type des dragões. Techniquement très propre, intelligent dans son placement, celui que l’on présente aussi comme le futur Rafa Marquez manque encore peut être d’agressivité pour s’installer dans le onze de Julen Lopetegui. Acheté au club mexicain d’América pour 8M€, Porto sera se montrer patient et faire progresser son poulain, peut-être en le prêtant dans un autre club où il accumulera plus de temps de jeu.
Hector Herrera. Une saison un peu bancale, 17 matchs seulement et 3 pions plantés avec Porto. Puis vient la coupe du Monde où le double H crève l’écran avec le Mexique. Cet infatigable poumon est capable de gratter des ballons très bas et de projeter le jeu de son équipe très vite vers l’avant grâce notamment à sa qualité de passe et son sens du jeu. Son coéquipier en club, Jackson Martinez en dit le plus grand bien : “Il est doté d’une intelligence rare et d’une technique impressionnante. Il sera essentiel au futur du FC Porto”. Encore une fois, Porto n’a pas tremblé en sortant le chéquier : 8M€, c’est le prix auquel son club d’origine, Pachuca, le laissera partir. Avec son mondial, sa valeur a déjà considérablement augmentée mais les portugais n’en doutaient guerre puisque sa clause libératoire a été fixée à hauteur de 45M€…


Adepte ou pas du club marine et blanc, force est de constater que les dirigeants ont très vite réagi lorsqu’ils ont compris que le football s’associait de plus en plus avec le business dans la fin des années 90. 
A travers ses énormes investissements matériels et humains dans la recherche de forts potentiels, la capacité à bonifier ses pépites et l’art de la négociation sur le marché des transferts, le club du président Pinto est devenu une réelle marque de fabrique pour les géants du football européen aux ressources sans fin. 
Un modèle du genre.

1 commentaire:

  1. Terrible cet article, la preuve que les portugais savent faire autre chose que de poser des parpaings !!!!! PORTOOOOOOO

    RépondreSupprimer